Le fait de vouloir instaurer des évaluations externes au différents niveaux de l’enseignement obligatoire, pose un certains nombre de questions. Il nous semble essentiel de clarifier quelque peu la notion même d’évaluation externe et les effets qui s’y rattachent, avant même de tenter quoi que ce soit.
Car, quel est le but d’une telle opération de généralisation à l’heure où les responsables politiques nous parlent de “pacte de l’excellence” ? Et quel type d’excellence vise-t-on ? Et à quel prix ? Ces évaluations externes peuvent-elles permettre un meilleur acquis des compétences et garantir une égalité entre tous les élèves ?
Nous ne pouvons évidemment pas traiter ces vastes questions dans un bref article, mais nous pouvons faire un pas en direction de premiers éléments de réponses.
Pour ce faire, il convient d’abord de rappeler que les évaluations externes dans l’enseignement secondaire en Belgique, sont conçues et gérées par la Fédération Wallonie-Bruxelles. Ces évaluations externes ont pour but d’évaluer sur base d’une épreuve identique, les élèves.
Notons qu’il existe deux modalités d’évaluation, la première modalité concerne les épreuves formatives. La seconde modalité est de type certificatives, elles sont obligatoires et liées à l’octroi d’un diplôme (CEB, CE1D, etc.)
Qu’en est-il des autres pays européens ?
En se basant sur de l’étude réalisée par l’Eurydice, « Chiffres clés de l’éducation en Europe 2012 », plusieurs éléments sont à retenir. La majorité des pays européens ont recours aux évaluations externes. Cependant, celles-ci ne sont pas appliquées de la même manière. Par exemple dans le cycle secondaire inférieur, 3 modalités peuvent être dégagées : La 1ère modalité consiste en une note donnée par l’enseignant pondérée par une appréciation externe. La 2ème modalité voit des notes exclusivement déterminées sur base de critères établis par une autorité externe. Tandis que la 3ème modalité laisse l’appréciation finale à des examinateurs extérieurs à l’école.
Dans le cycle supérieur, la majorité des pays européens voient la certification suivre une forme d’examen final. Dans la plupart des cas, elle est basée sur une combinaison d’évaluation interne et d’examen externe. Cependant, en Belgique et dans certains pays comme la Finlande, le certificat est octroyé uniquement sur la base d’un examen final interne, tandis que des pays comme France, se basent exclusivement sur un examen final externe.
Des évaluations externes globales en Belgique ?
Si en théorie, l’idée de laisser un organisme externe apprécier une cote finale (entièrement ou partiellement) peut paraître séduisante, elle ne l’est pas tant que cela en réalité. En effet, on peut déjà mettre en avant des effets pervers déjà existants ou qui apparaîtraient.
En premier lieu, nous pouvons nous poser la question de savoir si une telle disposition d’évaluation ne mènerait pas à terme à une sorte de classification des écoles (ranking) créant par la même occasion, plus de concurrence entre les établissements, en bref, un marché scolaire total et volontaire. On peut déjà voir ici un premier risque d’effet pervers.
Outre ce premier risque, vient celui de la hausse de l’échec scolaire. Comment penser des évaluations externes (partielles ou complètes) lorsque la logistique humaine ne suit pas ? Nous nous situons actuellement dans un contexte de pénurie des enseignants s’expliquant par divers facteurs (abandon de la profession chez les jeunes enseignants (jusqu’à 60% à Bruxelles), arrêts maladies, burn out, etc.). Si les enseignants manquent à l’appel, il ne peut y avoir de cours dispensés et il y a donc des risques de ne pas maîtriser la matière du cours dans son entièreté. Là où les enseignants adapteraient le contenu de leurs examens à ce que leurs élèves auront appris, des évaluations externes n’y feraient aucune nuance et sanctionneraient les élèves sur une fausse base. On peut voir ici un second effet pervers, déjà existant et qui ne fera qu’être exacerbé si aucune solution n’est apportée à la pénurie des enseignants.
La mise en place d’évaluations externes et harmonisées dans l’enseignement n’est pas gage de qualité. En effet, la Belgique est selon l’enquête PISA, l’un des pays les plus inégalitaires du point de vue scolaire. Les résultats de l’enquête nous montrent qu’il existe une différence allant jusqu’a 181 points entre le meilleur et le moins bon établissement, soit plus de 4 ans de retard. La France qui pourtant applique des évaluations externes, se retrouve dans un cas similaire à la Belgique alors que son taux de réussite au BAC se situe à un peu moins de 90%. Pendant ce temps, les pays nordiques, même si leur système scolaire n’est pas parfait, se situent en tête de liste et ce sans concurrence entre les écoles. Cela s’explique par le fait que les systèmes nordiques suivent un modèle d’intégration (tronc commun, suivi) tandis que la Belgique ou la France, un modèle de ségrégation (relégation dans les autres filières, etc.).
En conséquence, avant même de parler d’excellence, il conviendrait d’abord de repenser en profondeur le système scolaire en FWB.
Sylvia Fignon
Sociologue, stagiaire à Infor Jeunes Laeken
Bibliographie :
UFAPEC- Le système scolaire finlandais : un exemple à suivre ? : http://www.ufapec.be/files/files/FINLANDE.pdf
Étude Eurydice : http://eacea.ec.europa.eu/education/eurydice/documents/key_data_series/134FR.pdf P.166-169
Organisation des évaluations externes en Fédération Wallonie-Bruxelles : http://enseignement.be/index.php?page=24755&navi=335
FAPEO – Regard croisé sur l’échec scolaire : http://www.fapeo.be/wp-content/uploads/2013/12/13-15-2013-Regards-crois%C3%A9s-%C3%A9chec-scolaire.pdf