Animation : Florence Pondeville (Juriste au Centre pour l’Egalité des Chances),  et Karin Van der Straeten (Collaboratrice auprès du Délégué Général aux Droits de l’Enfant)

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Objectif de l’atelier : cerner les modalités d’accompagnement des plaintes, ainsi que les différents acteurs[1] auxquels on peut s’adresser lorsque l’on s’estime victime de discrimination.

Tout d’abord, il convient de rappeler ce qu’est la notion de discrimination. Il existe une distinction entre ce qui est vécu comme discriminant par une personne et ce qui est considéré comme une discrimination au sens du Décret Anti-discriminations du 12 décembre 2008. Ce décret énonce une série de critères protégés, à savoir la nationalité, la prétendue race, la couleur de peau, l’ascendance ou origine nationale ou ethnique, le sexe, la grossesse, l’accouchement et la maternité, le changement de sexe, l’âge, l’orientation sexuelle, les convictions religieuses ou philosophiques, les convictions politiques, l’handicap, l’état de santé actuel ou futur, les caractéristiques physiques ou génétiques, l’état civil, la naissance, la fortune, l’origine sociale et la langue.

Il précise également les comportements interdits qui sont successivement, la discrimination directe ou indirecte, le refus d’aménagement raisonnable (handicap), le harcèlement discriminatoire, le harcèlement sexuel, l’incitation à la haine et à la discrimination, l’injonction de discriminer ainsi que le crime de haine (motif abject).

Par le biais de cet atelier, les participants ont pu exprimer quelles étaient leurs expériences avant de passer à des questions plus pratiques.

Une intervention d’un participant prouve à quel point les acteurs de terrain qui pourraient intervenir dans les cas avérés de discriminations sont dans la plupart des cas méconnus des parents et élèves.

Le cas vécu relaté nous présente un élève victime de violences physiques. A défaut de trouver un interlocuteur valable au sein de l’école ou dans l’entourage de celle-ci, les parents de l’élève ont fini par prendre contact avec la police. Dès lors, certains évoquent la possibilité de faire appel aux médiateurs de la Communauté française qui n’interviennent quant à eux qu’en amont, en cas d’accumulation de problèmes. A côté d’une liste proposée en début d’atelier, les intervenants rajoutent encore les avocats et le Cabinet de la Ministre de l’Enseignement. Le Cabinet dispose d’une compétence particulière en tant que pouvoir subsidiant, et ce pour tous les réseaux. Il possède une mission de sanction si une école contrevient à une série de dispositions réglementaires en vertu de l’article 24§2 quinquies du Pacte scolaire.

Il est également précisé que les équipes mobiles interviennent à la demande de la Direction ou du Pouvoir Organisateur. Dans l’enseignement fondamental et dans l’enseignement spécialisé, un service de médiation scolaire émanant de la Communauté française peut être interpellé.

Certains intervenants ont mis l’accent sur le rôle du CPMS. En effet, celui-ci travaille au sein de l’école et est conventionné avec celle-ci. L’école, en cas de désaccord peut donc rompre son contrat avec le CPMS, à tout moment. La neutralité de ce dernier est donc relative. De plus, beaucoup de parents pensent que l’avis du CPMS a force obligatoire alors qu’il ne l’est pas dans tous les cas, ce qui démontre un problème d’information quant à cette question.

La seconde partie de l’atelier s’est concentrée sur quatre cas pratiques. Sur base de ceux-ci, il est demandé aux intervenants de déterminer les acteurs à interpeller dans la situation mentionnée.

Le premier cas concerne un élève de l’enseignement secondaire qui se plaint à propos du comportement de l’enseignant chargé du cours de construction. Le public de cette école, située à Bruxelles, comporte des jeunes d’origines très diverses. D’après cet élève, l’enseignant tient régulièrement des propos choquants et vexatoires sur la religion, la corpulence, les vêtements, l’origine de ses élèves. Les autres élèves de la classe confirment que de tels propos sont régulièrement tenus en classe; pour certains élèves, de tels propos sont tellement habituels qu’ils n’estiment pas devoir réagir. Les propos dénoncés sont les suivants : « Tu es habillé comme un clochard » ou encore « Tu n’as aucune éducation ». Il ajoute même  « Retourne dans ta jungle ! » ainsi que « C’est un mur comme on les fait au Maroc ça ? »

Un épisode a particulièrement choqué les élèves. En effet, un de leurs camarades de classe, qui est d’origine africaine, était en train de balayer l’atelier après les exercices pratiques. Le professeur lui a dit qu’il faisait ça bien et qu’il pouvait aussi venir chez lui faire le ménage, qu’il aurait bien besoin d’un esclave. L’enseignant fait aussi des blagues sur le Ramadan, alors que la classe comporte de nombreux élèves musulmans.

Face à cette situation, l’interpellation du Directeur ou l’intervention d’un médiateur est possible. Néanmoins, l’efficacité ainsi que l’effectivité de celle-ci est mise en doute. Le Pouvoir Organisateur pourrait également être saisi de l’affaire par les parents d’élèves.

D’autre part, un instrument juridique peut être mobilisé à savoir le décret de 2008 luttant contre certaines formes de discrimination. Une discrimination peut être basée sur certains  critères tels la nationalité, la race, la couleur de peau, la fortune, la religion. Ce comportement pourrait donc relever d’un comportement interdit par le Décret, à savoir le harcèlement discriminatoire. Une plainte pourrait dès lors être introduite auprès du Centre pour l’Egalité des Chances et de l’inspection scolaire sur base du Décret de 2008.

Le deuxième cas abordé lors de l’atelier concerne des enfants d’une école secondaire dont les parents ne se sont pas acquittés des frais scolaires exigés. Ceux-ci ne reçoivent alors ni les manuels scolaires ni leur journal de classe. La liste des « mauvais payeurs » est, de plus, affichée aux valves de l’établissement. Par ailleurs, certains élèves pour lesquels des problèmes de paiement ont déjà eu lieu dans le passé sont menacés oralement d’exclusion par la direction de l’établissement. Auparavant, des parents avaient déjà interpellé la direction de l’établissement sur le fait que les enfants dont les parents ne payaient pas les excursions ne pouvaient pas y participer.

A nouveau, différents acteurs peuvent être interpellés. On songe en premier lieu aux associations de parents. Il faudra alors voir si le dialogue est possible au sein de l’école et, dans ce cas, organiser une médiation au sein de celle-ci.  Le Pouvoir Organisateur de l’école pourrait également être interpellé. Le Décret de 2008 constitue encore une base sur laquelle peuvent s’appuyer les victimes de discriminations car  il pourrait s’agir d’une discrimination directe basée sur la fortune et/ou l’origine sociale. Il est à noter que le Centre reçoit très peu de plainte en cette matière. En effet, de nombreux parents trouvent ces situations normales..

L’avant-dernier cas concerne plus précisément un enfant ayant des troubles spécifiques de l’apprentissage de la lecture. La logopède qu’ils consultent leur conseille de rencontrer l’enseignant de leur enfant pour parler de la situation et envisager avec l’école des mesures de soutien spécifiques. Lors de la rencontre, les parents demandent, sur les conseils de la logopède, plus de temps pour les interrogations écrites, des feuilles imprimées uniquement recto et pas verso, ils demandent aussi que l’enseignante vérifie chaque jour que leur enfant a noté les bonnes consignes pour le travail à domicile.

L’enseignante refuse car elle n’a pas le temps pour cela. Elle explique qu’elle ne peut pas prendre en compte les besoins spécifiques de tout le monde et que si elle commence à favoriser leur enfant, elle va avoir des problèmes avec les autres parents et avec sa hiérarchie.

Il est nécessaire dans un premier temps de déterminer si l’enseignante est d’accord d’aider l’élève mais ne dispose de moyens pour le faire, et n’est donc pas de mauvaise volonté. Les parents peuvent alors prendre contact avec la direction pour tenter de libérer du temps pour l’enseignante. Dans le cas contraire, les parents doivent collecter un maximum de preuves afin de démontrer que le refus d’intervention est volontaire. Ensuite, ils peuvent alors s’adresser au PO, puis à l’inspection et éventuellement à une AMO, au Centre ou au Délégué Général aux Droits de l’Enfant. En dernier recours, la justice pourrait être saisie.

En fonction du Décret de 2008, le refus d’aménagement raisonnable pourrait être invoqué car il constitue une discrimination. Le décret prévoit que l’aménagement raisonnable constitue des mesures appropriées, prises en fonction des besoins dans une situation concrète, pour permettre à une personne handicapée d’accéder, de participer et progresser dans les domaines visés à l’article 4, sauf si ces mesures imposent à l’égard de la personne qui doit les adopter une charge disproportionnée. Cette charge n’est pas disproportionnée lorsqu’elle est compensée de façon suffisante par des mesures existantes dans le cadre de la politique publique menée concernant les personnes handicapées »

L’article 6 du Décret Mission pourrait également être retenu en tant que celui-ci prévoit que la Communauté française, pour l’enseignement qu’elle organise, et tout pouvoir organisateur, pour l’enseignement subventionné, poursuivent simultanément et sans hiérarchie les objectifs suivants, tels que : promouvoir la confiance en soi et le développement de la personne de chacun des élèves; amener tous les élèves à s’approprier des savoirs et à acquérir des compétences qui les rendent aptes à apprendre toute leur vie et à prendre une place active dans la vie économique, sociale et culturelle; préparer tous les élèves à être des citoyens responsables, capables de contribuer au développement d’une société démocratique, solidaire, pluraliste et ouverte aux autres cultures; et enfin assurer à tous les élèves des chances égales d’émancipation sociale

Il existe donc différentes possibilités pour une victime de discrimination de se défendre.

Néanmoins, les outils qui peuvent être activés sont souvent synonymes de procédure longue. Dès lors, il serait intéressant d’envisager la création d’une cellule de veille au sein des Cabinets afin d’obtenir une réponse rapide aux problèmes posés.

Pour terminer : un cas concernant une répartition d’élèves plus que douteuses. En effet,  un bruit court  parmi les parents d’élèves selon lequel la composition des 3 classes de 5ème primaire s’est faite en fonction des résultats scolaires de la 4ème primaire. La classe A rassemblerait les élèves ayant obtenu plus de 85 %, la classe B les élèves ayant obtenu entre 70% et 85% et la classe C les élèves ayant obtenu moins de 70 %.

Certains parents trouvent cela logique et pensent que cela permettra d’adapter la pédagogie au niveau du groupe-classe et sera, finalement, bénéfique pour les élèves. D’autres parents trouvent cela inacceptable et estiment que les classes B et C seront moins bien encadrées et seront étiquetées « classes d’enfants moyens ou médiocres ».

D’après certains parents, un système similaire avait déjà été mis en place pour les activités de calcul mental lors de la 3ème primaire. Des groupes de niveaux avaient été constitués et le système permettait le passage d’un groupe à l’autre en fonction des progrès. Ce système avait donné de bons résultats et permis une progression constante de la plupart des élèves.

A priori, l’interpellation de la direction, de l’association des parents et des enseignants reste possible. Le Pouvoir Organisateur et l’Inspection devraient également être informés.

Le fondement du Décret de 2008  n’est pas certain car il n’existe pas de lien clair avec un critère protégé. On pourrait éventuellement se poser la question de savoir si la répartition des classes sur ce modèle n’implique pas une mauvaise prise en compte des différents handicaps dont les élèves pourraient éventuellement être porteurs. Enfin, il est à noter que le Délégué Général aux Droits de l’Enfant peut être interpellé.

 [1] Liste non exhaustive des différents acteurs : Directeur- Pouvoir Organisateur, Centre PMS, Educateurs, Professeurs, Inspection scolaire, Médiateurs scolaires (Communauté française et communes), Equipes mobiles, Service du Médiateur de la Communauté française, Direction pour l’Egalité des chances (FWB), Centre pour l’Egalité des chances et la lutte contre le racisme, Délégué général aux droits de l’enfant, Institut pour l’Egalité des Femmes et des Hommes, AMO,  Associations de parents, Service d’accompagnement (Bruxelles), services d’aide précoce et services d’aide à l’intégration, Ligue des droits de l’enfant, Infor-Jeunes, Associations spécialisées (APEDA, Ligue Braille, APEDAF…)

Web : http://diversite.be/ et http://www.dgde.cfwb.be/ 

4 commentaires

  1. Bonjour,
    Mes filles ont été refusé de l’école avec certificat médical pour contre indication du port du masque.
    Comment procéder sachant qu’ils ont noté en absence justifiée mes filles en disant que c’est moi qui refusait de les mettre via mail.
    J’ai fais constater par main courante et témoin le refus, j’ai fais 1 mise en demeure.
    L’inspectrice m’a répondu en reprenant le decret et à aucun moment le certificat.
    Ni la responsabilité en cas de problème suite à l’obligation du masque.

    Merci de me guider,

    S’il vous plait.

    Bonne journée.

    1. Bonjour Amanda,
      Nous sommes un centre d’info jeunesse de Bruxelles, en Belgique. Pour la France : http://www.cidj.com

  2. CONTIVAL a dit :

    Un enfant autiste sans déficience intellectuelle ayant besoin d’une personne pour l’accompagner à l’école (AVS) et qui n’en bénéficie pas pour cause de manque de budget constitue-t-il ne discrimination au sens légal?
    Y a-t-il des précédents juridiques?
    Merci

    1. admin a dit :

      Bonjour,
      Nous sommes un Centre belge d’information jeunesse, situé à Bruxelles. Pour la France, nous vous suggérons de contacter le CIDJ : http://www.cidj.com

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