Les détracteurs des décrets inscriptions successifs ont réussi à faire croire que les problèmes d’inscriptions sont nés avec le décret du même nom. Ce n’était pas seulement un tour de force, mais une imposture ! 

En effet, pour beaucoup d’étudiants issus de familles modestes, le parcours des inscriptions scolaires a toujours été semé d’embûches, de vexations et d’humiliations. Aujourd’hui, cette humiliation s’est encore approfondie du sentiment que cette réalité n’interpelle pratiquement personne. Tout se passe comme si certains élèves étaient condamnés à être surnuméraires au sein même du système scolaire. Existe-il donc un destin qui réserve à certains« l’excellence » et à d’autres « les écoles poubelles» ?

Les enquêtes Pisa successives l’ont démontré à suffisance : notre système scolaire est marqué par sa dualité et par le fait qu’il génère l’échec scolaire.

Dès lors, Infor Jeunes Laeken s’est fait un devoir au fil de ces dernières années de porter témoignage d’une réalité restée muette et peu relayée (sinon pas du tout) par les médias. Depuis de nombreuses années déjà, nous accueillons au quotidien des jeunes et des familles blessés dans leur rapport à l’école. Ceux-ci nous racontent combien il peut être périlleux de faire valoir son choix d’une école..

C’est le cas, par exemple, de cette maman qui nous explique que maîtrisant mal le français, elle s’est fait éconduire du secrétariat de l’école et n’a pas pu obtenir de rendez-vous avec la direction. Sa demande d’inscription n’a évidemment jamais été prise en compte, puisqu’elle n’existe pas administrativement. Cette maman s’est sentie diminuée face à son enfant, peu crédible et peu efficace.

Autre exemple : un jeune garçon en demande d’inscription en 4ème année s’entend répondre qu’il n’y a plus de place dans l’école , mais il apprend quelques jours plus tard qu’un voisin a été inscrit après son passage.. Venu se renseigner sur ses droits auprès de nos services, nous lui apprenons qu’en tout état de cause l’école à l’obligation de lui délivrer une attestation de refus d’inscription. Le jeune devient fou de rage, car l’école l’a berné et lui a menti.

C’est encore des parents qui nous disent avec leurs mots, que le directeur les a reçus mais qu’il les a découragés : « vous savez, votre enfant, je dis cela pour son bien , il ne va pas se sentir bien ici , les enfants peuvent-être méchants , il est trop différent ». Ou encore une maman qui a fait des pieds et des mains pour inscrire son enfant dans une école dite réputée, qui y est parvenue ; mais consternée, elle constate que pour se faire accepter son enfant s’invente des vacances en Grèce, pays qu’il n’a jamais visité..

Ce sont d’autres parents encore qui nous expliquent que la direction de l’établissement a attiré leur attention sur le coût des voyages de fin d’études. Ceux-ci sont parfois prohibitifs. Ces efforts financiers ne sont pas à la portée de tous.

On a trop sous-estimé l’impact de telles inégalités. En effet, l’imaginaire des parents investit encore l’école d’espoir et de futur. Que l’on y prenne garde : s’il est un rôle dans lequel l’Etat est encore attendu en milieu populaire, c’est bien dans sa fonction d’éducation.

Nécessité d’une régulation collective et d’une mixité sociale à l’école

Aujourd’hui, le débat sur l’enseignement est dominé par des concepts, qui de prime abord semblent éminemment « sympathiques». Tel que l’autonomie des écoles, le choix d’un projet pédagogique adapté à l’enfant et le libre choix des parents.

Toutefois, déclinés en matière d’inscriptions, ces mêmes concepts présentent un visage nettement moins souriant. Laissé à l’appréciation des directions, l’expérience l’indique à suffisance : l’inscription dans une école relève trop souvent du pouvoir discrétionnaire de la direction, du fait du prince.

Seul un véritable processus de régulation collective peut offrir des garanties d’équité.

Pourquoi ? Car un tel processus a pour objectif majeur de promouvoir la mixité sociale, principal garant d’une école d’une école juste pour tous.

Mais, la mixité sociale, c’est quoi ? Pour le dire d’un mot, c’est avoir des écoles qui sont hétérogènes socialement.  C’est-à-dire des écoles où des élèves issus de milieux défavorisés côtoient, vivent leur scolarité, et apprennent avec des jeunes issus au départ de milieux plus favorisés.

C’est là l’enjeu majeur du décret inscription mis au point par le gouvernement de la Communauté française. Voici donc, en résumé, les raisons qui ont fait que le choix de la mixité sociale s’est imposé comme une urgence et une priorité aux yeux de l’exécutif :

  • La mixité sociale permet, lorsqu’elle s’accompagne de bonnes pratiques pédagogiques, de relever dans une classe le niveau des plus faibles sans pour autant faire diminuer le niveau des plus forts.
  • C’est la mission de l’école – payée par les impôts de tous – de contribuer à diminuer les difficultés liées à l’origine socio-économique des enfants.
  • La mixité sociale à l’école est le moment unique dans notre société de l’apprentissage du vivre-ensemble.
  • En démocratie, l’école a pour mission de favoriser l’émancipation sociale de tous, et non de conforter les avantages des seuls « bien-nés ».
  • La mixité sociale permet de réduire la concurrence entre les établissements scolaires – qui est un des facteurs principaux de l’échec scolaire.

Concernant ce dernier point, rappelons que l’école en Communauté française est caractérisée par une situation de quasi-marché. C’est cette situation qui a creusé le fossé entre les « écoles de riches » pratiquant une sélection sociale impitoyable, et les écoles « poubelles » où se concentrent les problèmes socio-économiques et pédagogiques !

Promouvoir la mixité sociale c’est donc aussi rompre avec cette logique de fracture et d’inégalité.

Eric Bruggeman

Infor Jeunes Laeken

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