L’école ce sont les apprentissages, le vivre ensemble, ainsi que la construction de la citoyenneté. En cette période particulièrement troublée, nous avons voulu faire le point sur ces différents aspects à un moment où d’heure en heure de nouvelles mesures tombent et où notre vigilance doit être décuplée pour, espérons-le, aller ensemble vers une issue dont nous ne pouvons pour le moment appréhender le temps qu’il nous faudra pour l’atteindre.
Qu’à cela ne tienne. L’heure n’est en aucun cas au défaitisme, mais au contraire à l’intelligence collective et à l’action. Pour preuves :
- Ce 26 octobre, le Délégué Général aux Droits de l’Enfant et l’Observatoire de l’enfance et de la jeunesse de la FWB organisaient un webinaire dédié à la communication auprès des jeunes dans le contexte de la crise sanitaire. Cet événement a mobilisé plus d’une centaine de travailleurs sociaux avec pour objectif de produire collectivement des pistes de solutions. Le DGDE diffusera les résultats de cette rencontre très prochainement.
- Toujours dans le cadre de ce forum virtuel, le sociologue Andréa Rea (ULB) a pris la parole pour exposer certains facteurs objectifs déterminants qui sous-tendent la crise du corona, et qui sont actuellement insuffisamment pris en compte dans la gestion de la crise : l’habitat, la densité des contacts inégalement répartie selon etc. Avec comme idée-force : pour beaucoup d’enfants, l’école est un lieu de sécurité, alors que la famille ne l’est pas.
- L’épidémiologiste Marius Gilbert a également fait une intervention sur l’importance de la pédagogie et de la communication en matière de corona auprès des jeunes. Il a voulu avant tout valoriser la prévention précoce, la mobilisation des acteurs relais (influenceurs), et l’explication avant la présentation de “mesures”.
- Parallèlement à cet événement en ligne, les influenceurs ne sont pas restés inactifs sur les réseaux sociaux. C’est le cas notamment de Renaud Maes (professeur à l’ULB et l’USaint-Louis) qui dénonce un “racisme de classe” qui s’exerce de la part de certains politiciens et experts qui revendiquent des mesures ciblées sur les quartiers populaires dans le cadre de la crise Covid. Revendications d’autant plus inacceptables quand on sait que les milieux populaires sont les premières victimes du corona (logements et espaces permettant moins de distanciation, jobs manuels et physiques qui ne permettent pas le télétravail, etc.)
- Concernant l’enseignement à distance, Julien Nicaise, Directeur du réseau d’enseignement Wallonie-Bruxelles, n’hésite pas à déclarer : “Un reconfinement global sera très problématique pour les élèves !”. D’autant que l’enseignement fonctionne pour certains élèves, mais à l’évidence pas pour tout le monde..
- De son côté, Bernard De Vos tire la sonnette d’alarme quant au risque réel de décrochage scolaire, ce qu’il appelle “le décrochage assis” (RTBF – CQFD). “Il y a trop de gamins qui n’y croient plus. Qui sont là et qui attendent que le temps passe. Avec en plus, une situation de stress permanente parce qu’il faut rattraper le retard accumulé l’an dernier pendant le confinement.” Pour le DGDE, la solution résiderait dans un dispositif mixte où l’on alternerait le plus finement possible présentiel et distanciel.
- Quant à “l’Appel pour une école démocratique” (Aped), il n’y va pas par quatre chemin. Pour Béatrice Lemaire, professeure de Mathématiques, “enseigner à distance, ce n’est pas enseigner !”, dit-elle. Car en classe le non-verbal constitue 70% des interactions en présentiel, et la motivation des élèves est essentiellement suscitée par ce type d’interactions. Que reste-t-il de ces 70% dès lors que l’ensemble de la communication passe par les écrans ?
- Enfin, dans toute cette effervescence, signalons que l’université continue à soutenir concrètement les enseignants de l’enseignement obligatoire. C’est le cas notamment à l’UMons où les professeurs en sciences de l’éducation Natacha Duroisin et Marc Demeuse ont mis au point des outils (sous forme de fiches d’info) destinés à assurer la transition numérique.
Et l’état de droit dans tout ça ? En ces temps perturbés, nous ne pouvions pas faire l’impasse sur la gestion de la crise dans son implication sur l’état de droit car celle-ci concerne tout le monde et tous les secteurs, école comprise bien évidemment.
En effet, nous sommes nombreux à nous interroger sur le silence du Parlement concernant les mesures en matière de crise sanitaire. Depuis plusieurs mois la fonction du Parlement est systématiquement contournée par l’Etat dans la gestion de la crise. Ce qui, nous semble-t-il, pose un problème majeur en termes de démocratie. Ce problème a été parfaitement énoncé et analysé par Anne-Emmanuelle Bourgaux, constitutionnaliste (ULB-UMons), dans une récente interview au SOIR, et dont voici un bref extrait : « En contournant systématiquement nos assemblées, l’Etat se prive du canal privilégié en démocratie représentative pour faire circuler l’information, emporter la conviction et légitimer les décisions auprès des citoyens. Ce faisant, l’Etat privilégie la soumission et la punition, au détriment de la compréhension et de l’adhésion. » (interview complète dans ce numéro)
En conséquence, (ré)activons l’intelligence collective. Mais aussi l’état de droit.
Eric Bruggeman
Infor Jeunes Laeken