1434368179124_22598_ce1d_fdDes examens externes (c’est-à-dire conçus par le ministère pour tous les réseaux, et non plus par les écoles) sont devenus obligatoires à différents niveaux : CEB (diplôme d’école primaire), CE1D (diplôme de fin de 1e degré du secondaire : en français, en mathématiques, en sciences, en langues modernes), CESS (diplôme de fin du secondaire, pour le français et l’histoire, en tout cas partiellement). Ce type d’évaluation est appelé à se développer et à s’étendre davantage dans les temps à venir à d’autres niveaux de certification. Cependant, cette nouvelle modalité de l’évaluation scolaire pose bien des questions : sur sa conception, mais aussi sur ses effets quant au parcours de formation des jeunes. Sans oublier la question de la confidentialité et de la sécurisation de ces épreuves, qui défraya la chronique au cours du mois de juin à l’occasion des “fuites” desdites épreuves sur Facebook et les réseaux sociaux.

Sur la conception des épreuves externes : les avis des acteurs de l’enseignement sont partagés. D’aucuns y voient une opportunité pour plus d’homogénéité entre les différents réseaux, et, partant, d’aller vers une plus grande égalité de traitement, en tous cas en ce qui concerne les examens. Néanmoins, des aspects nettement moins positifs ont été pointés du doigt. Nous les résumerons comme suit : un risque majeur d’établissement de ranking des écoles, – et donc aussi indirectement des enseignants – existe sans l’ombre d’un doute.

En effet, les rankings ou palmarès des écoles ne font pas qu’évaluer les élèves, ils opèrent aussi indirectement une évaluation et donc une pression sur le corps enseignant qui compose chacun des établissements. Par conséquent, de telles procédures nous semblent relever davantage de l’idéologie managériale qui tend à s’imposer dans tous les domaines du secteur non-marchand en mettant les organisations et leurs acteurs en compétition, plutôt que du souci pédagogique en tant que tel.

Sur ses effets sur le parcours des jeunes : un autre risque majeur de ce type d’évaluation est le bachotage : le processus d’apprentissage perd toute valeur, seule compte l’atteinte des objectifs au moment des bilans. Que devient le suivi du jeune dans la progression de son parcours et dans son appropriation des connaissances ? Ce qui semble compter de façon dominante, c’est une évaluation de type technocratique ajustée à une culture du résultat. Le but d’une telle culture éducative n’est plus de former des futurs citoyens dotés d’un bagage humaniste et critique, mais un futur exécutant adapté aux “besoins” du marché.

NB : de manière plus concrète encore, Infor Jeunes observe sur le terrain que les certifications externes, notamment avec le CE1D, mettent un peu plus d’opacité dans les procédures de délibération tenues par les conseils de classe, ce qui évidemment pèse lourdement sur les décisions d’orientation, de passage et d’échec des élèves. En effet, dans le cas du CE1D on observe, à l’issue des délibérations de fin d’année scolaire, de plus en plus d’écoles qui justifient le redoublement (2e année bis) en décrétant : le jeune n’a pas obtenu le CE1D ! Comme si la décision tombait “d’en haut” selon un mécanisme qui leur échapperait, alors que la décision finale reste en fait entre les mains du conseil de classe, et que le CE1D – en tant qu’épreuve – ne représente que quelques examens, certes essentiels, mais pas tous..

Sur la question de la confidentialité et de la sécurisation de ces épreuves : l’école d’aujourd’hui s’inscrit dans un environnement technologique qui n’est plus celui d’il y a dix ans, et encore moins celui des années nonante. Les réseaux sociaux ne sont pas un “outil” ou un gadget, mais un milieu dans lequel on baigne et qui façonne nos pratiques. Notamment, en bousculant et en brouillant les frontières traditionnelles entre vie privée et vie publique. L’une des conséquences du caractère viral et systémique de ce milieu est de nous obliger à repenser l’organisation complète des apprentissages, ainsi que leurs modalités de contrôle.

Comme toute réforme, la mise en place d’épreuves externes ne traduit pas seulement un changement opérationnel. Mais bien avant tout une politique de formation. Qu’il y a lieu de questionner pour en épingler les biais et les impasses.

Eric Bruggeman
Infor Jeunes Laeken

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