Les événements tragiques qui se sont égrenés durant le mois de janvier 2015 soulignent combien le vivre ensemble fait enjeu de société. Il ne faut pas se leurrer, seules deux options s’offrent à nous : trouver le chemin du vivre ensemble ou vivre perpétuellement dans le conflit, la peur, et le rejet de l’autre. En effet, le retour à une hypothétique, voire mythique population de souche, n’est ni souhaitable ni même possible. Nos sociétés actuelles, qu’on le veuille ou non, ont inextricablement mêlé et souvent lié des personnes issues d’horizons différents.
Beaucoup attendent de l’école qu’elle soit le lieu privilégié de la rencontre d’altérités diverses, qu’elle joue un rôle majeur dans la construction et l’intégration d’un socle de valeurs communes. Au plan symbolique, dans les discours, tout se passe comme si l’école avait fonction de trait d’union sociétal et devait participer à la création d’identités complexes, multiples mais unies sur une base de valeurs et de règles communes également.
La réalité vient toutefois brutalement démentir cet idéal. En l’état, l’école est aussi le lieu de tous les dangers. Non seulement notre système scolaire ne réduit pas les inégalités, mais – et c’est un comble – il les intensifie. Toutes les études internationales ou nationales s’accordent à constater que notre enseignement est parmi les plus inégalitaires de l’OCDE. De ce fait, il est donc défaillant dans sa fonction d’intégration.
En Décembre 2012, nous consacrions un colloque à cette problématique. Celui-ci s’intitulait «Ne laissons pas la discrimination à l’école rompre le contrat social ». Ce titre avait fait débat, on nous disait excessif, pessimiste. Je crois pour ma part, que nous avions déjà pris l’exacte mesure de l’effritement du lien social. Nous en sommes convaincus : nous vivons sur une poudrière. En prise quotidiennement avec la réalité des jeunes et des familles, nous mesurons le degré de souffrance et de déshérence de ceux-ci face à l’école. Nos écoles sont lourdement marquées du sceau de la perte de repères.
C’est à travers leurs maux que les jeunes et les familles relatent leur réalité. Pour l’essentiel issus de milieu populaire, ils nous disent : je ne vaux rien, je suis nul, perpétuellement en échec, l’école discrimine, ne veut pas de moi, le Général c’est pour les bourges, jamais ils ne m’inscriront dans cette bonne école je suis du nord de Bruxelles. Pour la société, pour l’école nous ne sommes rien, des déchets, des rebuts, mon petit frère n’a pas eu son CEB, mon père est au chômage, je n’ai aucun avenir, nous ne sommes que d’éternels problèmes, personne ne croit en nous !
Au désenchantement répond également la colère : on ne nous donne pas notre chance, l’école va m’apprendre l’égalité, le respect mais elle ne me respecte pas. Ne l’oublions jamais : refuser reconnaissance et fierté à l’individu crée un climat délétère de délitement social.
Alors que faire ? Nous pensons qu’il s’agit d’opposer «au pessimisme de la raison, l’optimisme de la volonté », continuer à lutter, à sensibiliser. Lutter pour le vivre ensemble c’est d’abord lutter contre les inégalités et les ghettos. L’école ne peut être porteuse d’espoir que si elle prend résolument le chemin de la mixité sociale. Il ne sert à rien de se répandre en regrets ou invectives contre les communautarismes de tous poils, si l’on n’est pas prêt à promouvoir la mixité sociale partout et d’abord à l’école.
Je vous invite à découvrir ce numéro de Journal de classe entièrement consacré aux événements festifs et ludiques que nous avons créé afin de sensibiliser au vivre ensemble à l’école. Plongez-vous dans une histoire d’amour ébouriffante, assistez à un défilé de chapeaux inédits et prenez résolument – mais sans angélisme – les chemins du vivre-ensemble.
Chantal Massaer
Infor Jeunes Laeken