7c7beea4ed21baeSeptembre célèbre sous les lambris et les vivats  la rentrée des classes. Rien que du bonheur ! « Vive  l’excellence, vive l’excellence, vive l’excellence »,   clament  en chœur  nos éminences.  Il nous faut un pacte, pour que demain l’excellence soit le cœur de nos écoles !

Foin  des esprits chagrins, et de tout leur tintouin : on vous invite aux lendemains qui chantent !

Demain sans doute, avec un peu de chance, tous les enfants bénéficieront d’une place à la maternelle ou en primaire. Il faut patienter.. C’est sans doute faire preuve  de beaucoup d’audace,  que de réclamer sans surseoir que tous les enfants en obligation scolaire soient scolarisés et  bénéficient d’un enseignement de qualité. En cette matière, l’état devrait être contraint à une obligation  de résultat.

La pénurie des places dans le maternel et le primaire n’est pas le moindre des maux  qui frappent notre enseignement.

Il ne nous a malheureusement pas échappé que la Belgique peut,  sans trop d’efforts, prétendre à la palme de l’excellence en matière d’inégalité du système scolaire. De redoublement, de relégation ou encore d’exclusion scolaire. Certes, la déclaration gouvernementale concède que l’ascenseur social est en panne. Mais nul ne songe à appeler d’urgence « ascensoriste sociale »  ce métier d’avenir, qui reste à inventer

Au delà des déclarations de principe, qui disent  toutes vouloir en finir avec l’échec scolaire et la relégation, nous ne pouvons nous empêcher d’être très inquiets.

La réforme  du premier degré adoptée  en toute discrétion  en avril dernier, n’a pas fini de faire parler d’elle. Si les premières estimations dont nous disposons s’avèrent exactes, c’est pratiquement 50 % des élèves qui n’auraient pas  décroché leur  CE1D, véritable sésame qui permet de rester dans l’enseignement général. Envoyer plus ou moins 20.000 élèves  vers le qualifiant, sous la contrainte,  n’est pas de nature à revaloriser cet enseignement qui en a bien besoin.

Il semblerait, bien au contraire, que cette réforme renforce la relégation. Et ce d’autant plus que le conseil de classe aura le loisir d’orienter un jeune en direct vers les CEFA. Certes les parents peuvent refuser cette orientation spécifique, mais  qui le leur dira ? Renvoyé vers un CEFA (Article 45), le jeune sortira de l’enseignement  sans véritable diplôme, ce qui accentuera encore sa vulnérabilité  sur le marché de l’emploi (voir l’article consacré à ce sujet).

A l’heure où s’annonce  la création d’un «  BAC »  en Fédération Wallonie Bruxelles, il y a fort à parier  que les épreuves  extérieures du CE1D, ainsi que la certification du CE1D,  constituent un galop d’essai.

Il existe un risque majeur que ces épreuves extérieures, loin de permettre une meilleure orientation,  participent de la sélectivité. Et que s’éloignent encore un peu plus l’ascension et l’émancipation sociale via l’enseignement.  Notre système,  les enquêtes  PISA nous le répètent à l’envi, est déjà l’un des plus inégalitaires de l’OCDE. Mais  ce n’est pas grave, il faut rajouter du désespoir  au malheur.

La réorientation contrainte,  et particulièrement la réorientation vers le qualifiant, aura aussi pour conséquence que l’enseignement dispensé au jeune sera en adéquation avec les besoins du marché et des entreprises.

Cela  semble relever du simple bon sens, et pourtant  est ce faire la fine bouche que de se demander si les besoins de jeunes adolescents sont bien ceux des entreprises ?  Les entreprises aspirent-elles à engager des citoyens actifs, responsables, critiques, et solidaires ? Pas sûr. Il semblerait que les entreprises aient  développé  un  goût plus affirmé  pour la flexibilité, l’adaptabilité, la limitation des prétentions  salariales. L’épanouissement personnel par le travail n’est aujourd’hui que l’apanage de quelques uns. Demain l’épanouissement à l’école ne sera-t-il qu’une préoccupation réservée à ceux qui fréquentent l’enseignement général ?

Aligner les standards de l’enseignement sur les désidératas de l’entreprise, c’est aussi formater des jeunes pour qu’ils soient opérationnels immédiatement, à court terme. Mais dans un monde en pleine mutation, ces  jeunes auront-ils appris à apprendre ?

Se peut-il que l’excellence par l’alternance se résume a un système à pause : un an  de travail, un an  de formation, un an  de chômage ? Après l’emploi tremplin, l’emploi carrousel ?

Certes, des postes restent à pourvoir. Il existe des métiers en pénurie,  mais  l’essentiel du chômage structurel ne se résume pas à cette problématique.   Il existe cependant une fonction critique qui a retenu toute notre attention : fakir.. Car, le sommet de la flexibilité n’est-il pas la contorsion ?  Etre capable de tenir à 20, 30, voire à 50, sur un même poste, cela peut s’apprendre..

Plus sérieusement,  rappelons avec Mateo Allalouf que le niveau de formation de la population n’a jamais été aussi élevé qu’aujourd’hui, et que résorber le chômage ne peut s’imaginer qu’en sortant de l’austérité, et en créant de l’emploi !

En conséquence, ne bradons pas la mission éducative de l’école au nom d’une douteuse « employabilité ».

Chantal Massaer, Directrice

Infor Jeunes laeken

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