Infor jeunes Laeken a été interpellé il y a un an par d’autres partenaires sur la problématique des réfugiés d’origine syrienne (Doms) implantés dans le quartier du parc de la Rosée à Anderlecht et aux alentours..
En effet : il se trouvait au sein de cette communauté 80 enfants non scolarisés ! Notre but premier a donc été de trouver des écoles qui pouvaient les accueillir. Le Délégué Général aux Droits de l’Enfant ayant mis à notre disposition son bus, nous avons pu mettre sur pied des activités destinées aux enfants au sein du parc (ainsi que dans un local proche). Ces activités se sont déroulées chaque mercredi après midi, ainsi que durant les vacances d’été.
Pour faire le point sur ce projet, nous avons interviewé Chantal Massaer, Directrice d’Infor Jeunes Laeken, et Bouchra Elkaamouchi, travailleuse sociale à Infor Jeunes Laeken également :
- Qu’elles sont les problèmes que vous avez rencontrés avec cette population Dom ?
Bouchra : Le premier problème rencontré fut celui de la langue. Cette population provient de pays où on ne parle pas le Français. Ils s’expriment en Arabe ou en Domari. Nous avons donc dû faire appel à des traducteurs.
- Vous avez également dû rencontrer des différences par rapport à la gestion du temps et de l’espace, n’est-ce pas ?
Chantal : En effet, si vous fixez un RDV à une famille pour une inscription dans une école par exemple, elle va se présenter en retard ou bien ne viendra pas. Ou c’est une autre famille qui se présentera avec une autre problématique. Il s’agit d’une population très mobile, qui peut voyager sur de grandes distances mais qui réclamera pour leurs enfants une école toute proche ! Les enfants vont à l’école seuls et sont autonome très jeunes. Ils sont très débrouillards. On a l’impression que les enfants passent de la petite enfance à un état de pré-adulte… Certaine familles vivent dans des logements insalubres et trop petits.
- Avez-vous remarqué des problèmes d’intégration ?
Bouchra : Il s’agit d’une communauté très unie et solidaire mais repliée sur elle-même. Elle a un mode de vie Clanique et des codes différents des autres. Ils ont très peu de contact avec les autres ressortissants Syriens
Chantal : Il y a un réel problème de sociabilisation. Certaines familles bénéficient d’une aide du CPAS, mais des enfants se livrent à la mendicité et sont stigmatisés par leurs camarades. Nous connaissons des jeunes filles qui ne sont pas scolarisées et nous craignons qu’elles ne subissent un mariage précoce.. La stabilité scolaire n’est pas acquise par ces familles. Au cours de leur parcours, les enfants ont dû changer d’écoles et souvent de régime linguistique !
Il y a, par exemple, ce papa qui ne comprend pas pourquoi il doit fournir une attestation à l’école pour justifier les absences de ses enfants. Il fait ce qu’il faut pour ses enfants et on vient l’ennuyer ! Certaines écoles où étaient inscrits des enfants Dom, ont voulu les orienter vers l’enseignement spécialisé. Nous avons expliqué le parcours et l’origine Dom de ces enfants, et les choses se sont arrangée.
Ces familles Dom ont un problème pour se rendre chez un Médecin. Infor Jeunes Laeken envisage de faire venir dans le bus du Délégué Général aux Droits de l’Enfant un membre d’une maison médicale qui donnerait des conseils. Il faut signaler que les gardiens du Parc apportent aussi à ces familles une aide dans le domaine administratif.
- Ressentez-vous qu’il existe un réel traumatisme chez ces enfants qui ont fuit un pays en guerre?
Bouchra : Oui, ces enfants se sont retrouvés dans une longue période de guerre
Chantal : Nous rencontrons un grand nombre d’enfants de 10 ans qui n’ont jamais été scolarisés. Il y a notamment le cas de cette petite fille qui sursautait et se mettait à pleurer chaque fois qu’elle entendait le bruit que fait une bouteille de boisson gazeuse que l’on ouvre..
Bouchra : Il y a aussi ce garçon qui raconte, les larmes aux yeux, que son frère a été tué par balles. Il y a Mohamed qui ne dort pas la nuit et fait des cauchemars depuis que ses parents et lui ont été mitraillés dans un bus. Mohamed a été blessé, et ses parents et lui on dû ramper sur des cadavres pour pouvoir s’échapper. Ils ont vu les blessés se faire achever..
Chantal : Certains parents considèrent leurs enfants comme trop agressifs à l’école, et à leur demande nous leur donnons des adresses de Psy. Les enfants mettent en scène la guerre dans leurs jeux
- Quelles sont les activités que vous organisez avec les enfants ?
Chantal : Nous nous efforçons d’instaurer un cadre calme et structuré et devons rester vigilants, car si les garçons sont trop agressifs, alors les filles ne restent pas aux activités.
Bouchra : La mixité au sein du groupe est variable, mais un groupe de filles vient régulièrement depuis peu.
Chantal : Nous avons commencé par organiser des cours de français, mais nous avions peu de monde. A la demande des enfants, nous nous sommes orientés vers des animations et des jeux interactifs. Ces animations récurrentes ont créé un attachement émotionnel et affectif entre nous et les enfants. Les activités consistent en bricolages, sculpture sur fruits et légumes, atelier de cuisine, jeux d’eau, coloriage. Ils se donnent à fond, mais certains enfants ont des problèmes de concentration, ce qui nous oblige à changer régulièrement d’activités.
Nous avons organisé une fête dans le Parc avec des activités et un orchestre. Les enfants ont demandé de jouer avec les instruments, et les parents ont pris des photos. Ils nous ont exprimé leur gratitude pour le projet..
Bouchra : Durant la fête, des enfants ont demandé si les bonbons étaient Halal..
Interview : Marc Dujardin
Infor Jeunes Laeken