sebastienSébastien Dalmans termine sa dernière année d’études supérieures d’Assistant Social. Il a accompli un stage en immersion de plus de trois mois à Infor Jeunes Laeken.

Durant cette période, il a été amené à suivre plusieurs cas d’exclusion scolaire définitive. Il nous livre ici quelques réflexions tirées de son expérience à Infor Jeunes.

Infor Jeunes Laeken : Dans quelle mesure ta représentation de l’exclusion scolaire a-t-elle évolué grâce à ton stage ?

Sébastien Dalmans : Durant mon stage, j’ai pu prendre un certain nombre d’initiatives en matière d’exclusion via la permanence d’Infor Jeunes. Pour répondre à la question, il est vrai qu’au départ ma connaissance du phénomène de l’exclusion n’était pas très développée, mais grâce au stage elle s’est transformée et approfondie. J’ai pu notamment prendre la mesure de l’ampleur du problème et de sa fréquence, que je n’imaginais pas du tout au départ. En fait, une proportion fort élevée du public d’Infor Jeunes Laeken vient consulter pour des difficultés ayant trait à l’exclusion scolaire.

IJL : Quels constats fais-tu après avoir suivi ces cas d’exclusion ?

SD : Ce qui m’a interpellé, c’est l’état de détresse et de désarroi des usagers qui viennent pour des problèmes d’exclusion. Cet état s’accompagne toujours d’une situation de désinformation : les jeunes et leurs parents sont, à la base, dans un manque profond d’information avant d’arriver à Infor Jeunes. Quand ils arrivent, ils sont dépossédés de tout outil qui leur permettrait de faire face à leur situation. A cela s’ajoute une incohérence fréquente des discours tenus par l’école auprès des jeunes et de leurs familles, et, surtout, un non respect des dispositions légales qui incombent aux écoles en matière de procédure d’exclusion.

IJL : Quelle est l’image la plus négative qui ressort de ton expérience liée à l’exclusion ?

SD : Il s’agit d’un cas d’audition d’un élève mineur et de son papa, dans une procédure d’exclusion. Normalement, l’audition est le moment où les droits de la défense doivent pouvoir s’exprimer, et c’est aussi un espace de contextualisation. Or dans le cas précis dont je parle, nous avons été confrontés à une direction rigide et opaque, qui balayait d’un revers de main les droits de la défense. Une direction qui énonçait des reproches abstraits et non factuels, et qui n’a permis ni à l’élève ni à ses parents d’avoir accès aux pièces du dossier disciplinaire avant l’audition, ce qui est parfaitement illégal.

IJL : Quelle aura été pour toi l’image la plus positive ?

SD : Pour moi, le plus positif tient à l’expérience en réseaux : lorsque plusieurs associations coopèrent et permettent, par leurs efforts conjugués, de faire en sorte que la personne en arrive à se prendre en charge. Ce fut le cas durant mon stage, notamment, avec Itinéraires AMO, Atouts Jeunes AMO, ou les services du Délégué Général aux Droits de l’Enfant. Je pense d’ailleurs que les associations devraient prendre davantage conscience du fort potentiel qui réside dans les possibilités du travail en réseau, et cela dans une optique qui permet aux jeunes de mettre des mots sur leurs difficultés, de clarifier leur situation, ainsi que de s’approprier les outils de leur défense et de leur autonomie. Le tout sans paternalisme.

IJL : Quelles pourraient être, selon toi, les mesures préventives à mettre en place pour ne pas en arriver à l’exclusion définitive ?

SD : Je pense que la prévention passe par l’information, et que l’importance de l’information devrait être mieux reconnue par l’ensemble des acteurs (écoles, jeunes, parents, associations). J’insisterais également sur l’importance de la coopération en réseaux, pour permettre aux jeunes et aux parents de se défendre. Mais aussi pour attirer l’attention sur le fait que les parents et les associations ne sont généralement pas suffisamment pris en compte par les écoles dans la recherche de solutions. Le problème de l’exclusion relève du droit scolaire, certes, mais pas uniquement. Il y a lieu de considérer le problème dans sa globalité, et, à mon avis, l’école ne perçoit pas assez que les associations sont des ressources auxquelles elle pourrait davantage recourir.

IJL : Quelles recommandations adresserais-tu aux décideurs politiques dans ce domaine ?

SD : Dans différents dossiers que j’ai eu à traiter, une chose m’a consterné : lorsqu’une école ne respecte pas le prescrit légal en matière d’exclusion, elle peut finalement le faire en toute impunité, car elle n’encourt aucune sanction. Pour preuve, une situation qui s’est présentée plus d’une fois : un recours est introduit par l’élève exclu auprès du pouvoir organisateur de l’école ; selon le décret “Missions”, le P.O. de l’école dispose de quinze jours pour examiner et répondre à cette requête. Or, plus d’une fois, le délai légal a été dépassé par des pouvoirs organisateurs saisis d’un recours, sans que ceux-ci ne soient en aucune façon rappelés à l’ordre, laissant les jeunes et leurs familles sans aucune nouvelle. Il faudrait donc que le politique s’empare du problème et prévoit la mise en place de mécanismes correcteurs qui actuellement font défaut. Une difficulté majeure provient également de la multiplicité des pouvoirs organisateurs, liée à la logique des réseaux scolaires : dans le “libre”, le P.O. est l’ASBL de l’école, qui dans de nombreux cas a déjà cautionné par avance la décision d’exclusion prise par sa direction. Dans de tels cas, un recours effectif est souvent soit impossible (car le règlement d’ordre intérieur ne le permet pas), soit illusoire (car les dés sont déjà jetés). Dans l’officiel, la pratique tend à indiquer que les pouvoirs organisateurs manquent de moyens en termes de ressources humaines, ce qui expliqueraient, du moins en partie, les retards rencontrés dans le traitement des recours introduits. Là encore, ce serait la tâche du politique de trouver des solutions qui feraient qu’une égalité de traitement de ces situations soit appliquée dans l’ensemble du système.

Propos recueillis par Eric Bruggeman

Infor Jeunes Laeken

  

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