La réforme récente du 1e degré (avril 2014) a actuellement pour conséquence que les conseils de classe interdisent à plus de la moitié, voire à deux tiers des jeunes, de continuer leurs études dans le général, en raison du fait qu’ils n’ont pas obtenu le fameux CE1D (Certificat d’enseignement secondaire du premier degré).
Les chiffres que nous avançons ne sont pas fantaisistes. Depuis longtemps déjà, les indicateurs de l’enseignement font apparaître le fait que deux tiers des jeunes, dès la troisième (technique et professionnelle), fréquentent une filière ou une section qu’ils n’ont pas choisie. Le phénomène n’est pas nouveau, me direz-vous. Certes, mais aujourd’hui le système se rigidifie et devient plus restrictif encore, de sorte que le conseil de classe peut renvoyer vers les CEFA. Il importe de savoir que si le jeune est orienté en CEFA article 45, celui-ci n’aura aucune possibilité de décrocher son CESS.
Les parents (ou le jeune majeur) peuvent refuser cette orientation. Encore faut-il être au courant de cette disposition, qui déroge au principe général qui veut que la décision du conseil de classe en matière d’orientation soit contraignante. On le sait : ce sont principalement les enfants des milieux favorisés qui fréquentent le général, tandis que les milieux populaires sont surreprésentés dans le qualifiant.
Evaluation externe, sélection sociale, et rankings d’établissements
De plus, la généralisation d’épreuves certificatives externes couplées à l’orientation contrainte risque d’approfondir la dualisation du système scolaire. Car, si théoriquement le niveau de l’enseignement est censé être le même quelle que soit l’école, la réalité concrète du système révèle un tout autre visage.
Certes, plus de 95% de jeunes décrochent leurs CEB, mais seuls 50% d’entre eux obtiennent le CE1D. Que s’est-il donc passé en deux ans ? En guise d’explication, on nous parle de saut conceptuel, de difficulté à s’adapter aux exigences du secondaire. Mais en réalité, on ne cerne pas les raisons de cette inadéquation.
Le système de quasi-marché scolaire qui est le nôtre, fait la part belle à la concurrence entre établissements. Classifier ceux-ci, établir unranking des établissements les plus sélects qui mènent à la réussite, ne pourrait qu’intensifier le néo-libéralisme déjà à l’œuvre dans notre système éducatif. Fort de cette logique, la sélectivité à l’entrée, ainsi que tout au long du cursus scolaire, ne pourrait qu’être renforcée afin de garantir la bonne réputation de l’école.
De même la multiplication d’épreuves certificatives extérieures (CEB, CE1D, CE2D, CESS) ne peut que générer un stress supplémentaire, et des risques de bachotage. En effet, il y a fort à parier que l’année s’organise autour de la préparation de l’épreuve, au détriment du processus d’apprentissage proprement dit. Si à l’avenir le CE1D et le CE2D devaient tous deux devenir obligatoires, qu’en serait-il du tronc commun polytechnique ? Celui-ci ne serait-il pas condamné avant même d’avoir été réellement implémenté.
Chantal Massaer, Directrice
Infor Jeunes Laeken