Certaines écoles sont-elles un état dans l’état ? C’est la question que l’on est en droit de se poser en lisant un article paru dans La Libre de ce 6 mars 2013 (voir ici). Le quotidien y relaye le témoignage d’un directeur d’école réputée de la Région Bruxelloise (centre scolaire Saint-Michel), qui revendique des « tricheries » à l’inscription.
Cet acte que le directeur nous présente comme un acte de résistance et de courage, n’est, somme toute, que l’expression arrogante de la loi du plus fort. Drapé dans son impunité, il s’offre en outre le plaisir de faire la morale aux dangereux délateurs, à ceux qui ont l’outrecuidance de livrer d’honorables citoyens à la vindicte publique. Honte à nous, qui avons dénoncé toutes sortes de manœuvres qui visent à contourner le décret inscription.
Décidément, ce décret sent le soufre. Quelle impudence que d’oser agir afin de garantir la transparence, l’égalité à l’inscription. Comment ! Vous pensez que l’enseignement financé par l’argent public doit servir l’émancipation sociale et non à la reproduction des inégalités ! Mais vous êtes fous ! Vous refusez que le système scolaire soit lourdement marqué par la ségrégation sociale , vous vous indignez du fait que certains élèves se vivent comme des rebuts de la société, juste bon à trouver place dans des écoles dite poubelles. Mais soyez raisonnable : c’est la nature qui veut cela. Taisez-vous ! Circulez, il n’y a rien à voir : tout allait tellement mieux avant le décret !
Avant quand c’était tellement mieux, dans nos écoles de « caractère », nous avions, paraît-il, l’opportunité d’accueillir les enfants, de personnaliser la rencontre. Aujourd’hui, on nous oblige à traiter, entend-on, les enfants comme des numéros. A telle enseigne que, si l’on en croit ces hérauts de l’humanisme, notre enseignement de demain deviendra parfaitement aseptisé.
Réveillons-nous : c’est une fable qu’on nous propose, un conte à dormir debout. Un peu de bon sens que diable : on ose en effet espérer que se tissent tout au long de l’année des liens affectifs et des échanges pédagogiques qui détermineront la scolarité de l’enfant bien au-delà du moment de l’inscription. Ce qui se joue à l’inscription participe beaucoup plus d’une logique de marketing et de relations publiques, que d’un accueil personnalisé !
Du reste, en guise d’accueil personnalisé, de nombreux parents sont confrontés à une dynamique d’échanges purement descendante. C’est sûrement un hasard si beaucoup de parents en milieu populaire pensent qu’il revient à l’école de plein droit de choisir les élèves qui fréquenteront leur établissement. C’est à coup sûr par empathie que certaines directions d’école constatent la mort dans l’âme que le voyage scolaire n’est pas abordable pour certaines familles. C’est pour élever les âmes que la messe, quand on passe par la case école, devient payante. Et si on vous demande de décliner votre profession, votre statut social, ou de présenter votre feuille de paye c’est sans aucune équivoque pour rendre le contact plus chaleureux, plus personnel !
A côté des indécrottables tenants de l’élitisme social, nous sommes persuadés que de nombreuses écoles souhaiteraient sortir d’un système scolaire perverti par la compétition et la logique de quasi-marché. A cela une seule réponse possible, il faut que l’état assume ses responsabilités et régule ce système qui s’apparente trop souvent à la loi de la jungle.
A ceux qui rêvent de voir Saint Michel terrasser le décret, nous opposerons nos rêves de solidarité et de justice.
Du vent dans les voiles, une marguerite à la boutonnière, nous ne rendrons pas les armes. Pour qu’enfin, en toute confiance, des étoiles dans les yeux, tous les enfants puissent prendre le chemin de l’école de la réussite.
Chantal Massaer
Directrice d’Infor Jeunes Laeken
Une réponse à Je suis tricheur et fier de l’être !