G0602205S’il y a quelque chose de surprenant dans le Pacte pour l’Excellence c’est l’absence de résolutions concernant la lutte contre les inégalités.

Pourtant, depuis des années, ce que l’OCDE ne cesse de mettre en évidence à travers les enquêtes PISA, ce sont moins les mauvais résultats globaux de nos élèves dans telle ou telle discipline, que les inégalités criantes qui caractérisent notre système d’enseignement au point de faire de la Belgique un champion en la matière.

Les inégalités désignent l’écart qui existe entre les résultats scolaires obtenus par les élèves issus des familles les plus favorisées et ceux obtenus par les élèves des familles les moins favorisées, socio-économiquement parlant. Certes, la Ministre évoque dans son texte les effets du quasi-marché, ainsi que les inégalités qui vont de pair avec celui-ci. Mais, elle ne fait que les citer au passage. A aucun endroit du Pacte elle n’en fait des objectifs de changement. Et pour cause : le Pacte pour l’Excellence entend se centrer exclusivement sur le pédagogique et en aucune façon sur les structures de l’enseignement, jugées trop “abstraites” par la Ministre.

Pareil jugement nous laisse songeur, car nous pensons, bien au contraire, que des réformes structurelles allant dans le sens de plus d’égalité auraient un impact des plus concret.. qui aurait le désavantage toutefois de déplaire à la minorité dominante qui tire actuellement son épingle du jeu dans ce système..

Alors, les réformes structurelles, ce serait quoi concrètement ?

Tout d’abord, une régulation beaucoup plus forte du quasi-marché. On a beau jeu de pointer du doigt la faible efficacité du Décret Inscriptions : réguler les inscriptions uniquement à l’entrée du secondaire c’était se condamner à produire des effets uniquement à la marge. Il eût fallu, dans un souci d’efficacité, compléter le dispositif en régulant davantage. Et notamment en amont du secondaire : dès le fondamental.

Ensuite, changer les structures veut dire : instaurer un véritable tronc commun général et polytechnique POUR TOUS juqu’à l’âge de 16 ans. Lorsqu’on lit le Pacte pour l’Excellence, on est loin du compte. On y évoque, en effet, un semblant de tronc commun en 3e secondaire, “tronc commun” dont on peut raisonnablement douter de la mise en oeuvre puisque les modifications opérées en 2014 concernant le 1e degré renforcent, encore bien plus qu’avant, le clivage entre le Général et les filières de relégation.

Réformer les structures supposerait aussi d’aller vers un réseau unique, qui mettrait fin aux particularismes et aux différences de traitement liés à la disparité des pouvoirs organisateurs (que l’on songe, par exemple, aux différences de traitement dans les procédures et modalités de recours en matière d’exclusion des élèves).

Or, ces différentes réformes ne sont pas à l’ordre du jour, eu égard au Pacte. Comme nous le disions plus haut, celui-ci veut mettre l’accent sur le pédagogique, sans recourir aux changements de structures. Il entend miser notamment sur les “bonnes pratiques” pédagogiques et leur transférabilité. Cependant, pour que celles-ci soient transférables, il faut que les publics bénéficiaires soient équivalents : publics ayant suffisamment de facilités d’apprentissage d’un côté, publics cumulant les difficultés de l’autre ; le caractère transférable des “bonnes pratiques” ne peut donc opérer qu’au prix du maintien de la dualisation actuelle du système. Ceci nous renvoie à l’ultime impasse faite par le Pacte pour l’Excellence : celle faite sur la mixité sociale. La mixité sociale n’aurait pas seulement un impact positif sur les apprentissages, elle enrayerait aussi la concurrence entre les établissements : compte tenu des objectifs poursuivis par la Ministre, on comprend pourquoi elle est passée à la trappe.

Eric Bruggeman

Infor Jeunes Laeken

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