Nul n’ignore aujourd’hui que le système scolaire est un quasi-marché, où les écoles vivent la concurrence et recourent aux stratagèmes du marketing pour conforter le positionnement de leur “clientèle”. De plus, le marché du soutien scolaire en dehors de l’école est lui aussi en plein essor.

Or, l’effet cumulé de ces marchés a pour impact majeur de creuser l’écart entre les résultats des élèves issus des milieux les plus favorisés et ceux issus des milieux les plus précaires. Ce même écart se marque aussi entre les écoles totalisant un indice socio-économique élevé et celles qui totalisent un indice faible. Ce sont là des faits qui ont été objectivés par les enquêtes PISA, réalisées à l’initiative de l’OCDE (1).

La marchandisation du secteur parascolaire, c’est-à-dire celui des organismes privés qui offrent de la remédiation, du soutien scolaire et des cours particuliers, n’a fait que croître au fil de ces dernières années ; et la situation est à ce point préoccupante que même l’UFAPEC (2) a jugé utile de se pencher sur la question, en lui consacrant une étude :

60 000 élèves redoublent chaque année en Communauté française, près de 70 % des
élèves recommencent au moins une année durant leur scolarité, 20 % des élèves quittent
l’enseignement sans diplôme à la fin du secondaire… (..) Depuis quelques années, des formes de soutien scolaire hors école se développent : coaching scolaire, cours particuliers, école de devoirs, etc. Avec les cours particuliers, c’est toute la question de la remédiation qui s’externalise en dehors de l’école. Au lieu de se tourner vers des dispositifs de remédiation interne à l’école, pour autant que l’école offre de tels services, les parents vont avoir recours à une aide extérieure, une aide qui a un coût financier conséquent, une aide qui pose question… Les cours particuliers ne sont pas une pratique récente (on en connaît les premières traces dès le XIXe siècle), mais ce recours s’est étendu au XXe siècle et le récent développement d’entreprises offrant des cours privés payants fait exploser ce marché (..)”.

Et donc, ce marché-là, plus prospère que jamais (selon une étude européenne, 10% des élèves belges suivent des cours de remédiation hors de l’école), surfe allègrement sur la vague néo-libérale qui domine de façon hégémonique, y compris le domaine de l’éducation. Les maîtres-mots y sont : performances, compétition, individualisme. L’apprentissage du vivre ensemble et le tissage de liens de solidarité n’y ont pas leur place ; seul compte le développement pour l’individu de sa capacité à tirer son épingle du jeu. Bienvenue au darwinisme idéologique et par-ici la monnaie ! Sinon : casse-toi, et malheur aux vaincus !

L’échec scolaire est un mal profond et coûteux, mais c’est aussi une affaire juteuse pour des sociétés privées qui se sont spécialisées dans le soutien à domicile des élèves en difficulté. Il est difficile de quantifier avec précision ce marché en Belgique, qu’aucun cadre légal ne régule. En France, où le recours à du soutien scolaire et aux cours particuliers peut donner lieu à des exonérations fiscales, ce marché est évalué à deux à trois milliards et demi d’euros par année..

A côté de ces sociétés marchandes, un dispositif tel que les écoles de devoirs constitue une alternative démocratique accessible à tous.

Eric Bruggeman

Infor Jeunes Laeken

(1) http://www.skolo.org/spip.php?article1276

(2) http://www.ufapec.be/nos-analyses/2112-etude-cours-particuliers/

 

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