Intervenant : Edouard Delruelle, Directeur adjoint du Centre pour l’Egalité des Chances

égalité des chancesLe Centre pour l’Egalité des Chances est un centre public et indépendant, en dialogue avec la société, un centre d’expertise en prise avec les enjeux actuels de la société. Il n’est ni une administration, ni une ONG. Le Centre s’appuie sur deux grands piliers, à savoir  la migration ainsi que la discrimination et l’égalité des chances.

C’est ce deuxième pilier qui est plus directement concerné par la présente intervention.

L’approche juridique de la discrimination permet une réponse concrète en tant que  moyen de lutte contre la discrimination exercée envers les élèves d’origine socio-économique faible.

D’un point de vue général, le cadre légal en matière de discrimination provient de directives européennes :

-la Directive sur l’égalité raciale (2000/43/CE) dite «verticale »,

-la Directive sur l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (2000/78/CE) dite « horizontale » ;

– la Directive 2004/113/CE qui  a permis d’élargir l’application du principe de l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes à l’accès aux biens et aux services.

Ces directives européennes ont été transposées en Belgique via les lois fédérales anti-discriminations de 2007 :

– « tendant à lutter contre certaines formes de discrimination »,

– «tendant à lutter contre la discrimination entre les femmes et les hommes»,

-« modifiant la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie»,

La transposition s’est également réalisée dans des décrets régionaux et communautaires.

Alors que la loi de 2007 « tendant à lutter contre certaines formes de discrimination » concerne notamment l’emploi et le logement, le décret applicable au niveau de l’enseignement est celui du 12 décembre 2008[1] luttant contre certaines formes de discrimination.

Il consacre dix-neuf critères sur base desquels il est interdit de discriminer : nationalité, prétendue race, couleur de peau, ascendance, origine nationale ou ethnique ; handicap, état de santé actuel ou futur, caractéristique physique ou génétique ; âge, orientation sexuelle, conviction religieuse ou philosophique, conviction politique, conviction syndicale ; état civil, naissance, fortune, origine sociale, sexe et critère apparenté (grossesse, accouchement, etc.) et langue.

Les dossiers du Centre concernant la discrimination se répartissent de la façon suivante :

 -559 [critère racial],

-277 [critère handicap]

-198 [critère religieux]

-98 [critère âge],

-89 [critère orientation sexuelle]

-182 [autres : fortune et origine sociale, etc.].

9 % des plaintes et signalements sont en lien direct avec le monde scolaire. Ce pourcentage semble peu élevé, mais il faut noter que d’autres acteurs de terrain récoltent également une série de plaintes en relation avec l’école. Nous pensons au Délégué Général aux Droits de l’Enfant, aux Services d’Aides à la Jeunesse ainsi qu’à diverses associations.

Notons qu’il peut exister des discriminations croisées, liées à plusieurs critères consacrés par le Décret. Citons par exemple une discrimination basée à la fois sur la race et sur un handicap. Néanmoins, un seul de ces critères pourra être invoqué lors d’une action en justice pour discrimination.

Le Décret de 2008 contient deux grands types de discriminations :

1)     La discrimination directe est définie comme : « la situation qui se produit lorsque sur la base de l’un des critères protégés, une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre personne ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable »

Le refus d’inscrire un enfant de chômeurs ou un enfant d’origine étrangère est un exemple de ce type de discrimination.

2)     La discrimination indirecte est quant à elle définie comme : « un dispositif, un critère ou une pratique apparemment neutre susceptible dentraîner un désavantage particulier pour des personnes ou catégories de personnes ».

Une direction d’école insistant sur le coût élevé des voyages scolaires au moment de l’inscription d’un étudiant, et ce afin de le décourager de finaliser sa demande, peut être un exemple de ce type de discriminations. On constate que les frais scolaires demandés aux parents sont utilisés comme filtre pour sélectionner le public scolaire, alors que l’article 24 de la Constitution prône la gratuité de l’enseignement.

Dans le cadre de la discriminations aux inscriptions scolaires, il y a lieu de souligner que la discrimination directe ou indirecte peut déjà avoir lieu au moment de la diffusion de l’information, notamment sur les informations reprises, par exemple, sur les sites internet des écoles. Il est donc inexact de dire que la discrimination ne peut avoir lieu qu’au moment de l’acte d’inscription dans l’école, comme l’avait mentionné à un moment donné la Ministre Simonet.

L’arsenal juridique pour lutter contre la discrimination existe donc, mais il a ses limites. En effet, les lois anti-discriminations ne peuvent être invoquées pour lutter contre les discriminations systémiques. En outre, les relations écoles-parents connaissent des difficultés accrues (accompagnement, communication…) lorsque les parents sont éloignés de la culture scolaire. Enfin, des problèmes liés aux équivalences des diplômes persistent. D’autres limites à la législation actuelle peuvent être soulevées et ce, notamment au niveau des inégalités sociales.

De plus, la lutte anti-discrimination, sur le terrain juridique, est un instrument limité de résolution des problèmes d’inégalités sociales. Il faut apporter aussi une réponse politique et structurelle aux problèmes posés !

En guise de conclusion, il serait pertinent de questionner le concept même d’« égalité des chances ». Pour ce faire, un ouvrage du sociologue François Dubet constitue une  référence de premier ordre (« Les places et les chances »,  Editions du Seuil, 2009). Dubet y livre une critique du modèle de société reposant sur l’égalité des chances.

En résumé, il ressort de cette étude qu’il existerait deux modèles de justice sociale : l’égalité des places et l’égalité des chances.

L’égalité des places renvoie à l’État-Providence (principe de cohésion sociale), qui implique de réduire les inégalités de revenus, d’améliorer les conditions de vie, de resserrer les structures des positions sociales et de sécuriser les positions les moins favorisées.

L’égalité des chances, quant à elle, s’inscrit dans un modèle de société néolibéral (principe méritocratique). Ce modèle prétend offrir à tous la possibilité d’occuper les meilleures places (sans toutefois prendre en compte les différences de position occupées par les individus dans l’espace social, ainsi que les « capitaux » (culturels, sociaux, économiques, symboliques) qui s’y rattachent). La diversité doit y être représentée à tous les niveaux de la société. La compétition se veut équitable et les inégalités sont justes quand les chances sont offertes à tous.

Alors que l’égalité des chances est le choix actuel de la société, le Collectif Marguerite plaide pour une égalité des places. Il y a lieu de garder à l’esprit que ce sont-là des choix politiques et sociétaux différents, afin de mieux comprendre dans quel « modèle de justice sociale » nous évoluons.

Print Friendly, PDF & Email

4 commentaires

  1. Luiz De Melo a dit :

    Que dois-je faire si je subi une discriminations depuis 1 an de la part de mon Haute-école ? J’ai des preuves de discriminations via des mail de l’école.

    1. Bonjour Luiz,
      Pourrais tu expliciter de quelles discriminations tu es victime ?
      Tu peux nous contacter par téléphone au 02/421.71.30

  2. Meryem Bousehabi a dit :

    Bonjour,
    Ma fille est en secondaire, elle à
    17 ans, il y a une semaine, sa prof.lui à hurlé dessus parce qu’elle papotait. .
    3 autres filles de sa classe ont filmé la Seine et l’ont publié sur les réseaux sociaux. .. cetait 2 africaine et 1 belge l’école a décidé de renvoyer définitivement les 2 africaines mais pas la belge et pour couronner le tout ma fille qui c’est fait hurlé dessus, elle est aussi renvoyer définitivement. Pour moi c’est de la discrimination raciale pur et simple nous sommes d’origine marocaine, merciii a vous si vous pouvez me dire se que je dois faire…..

    1. Bonjour Meryem,
      La procédure en la matière a-t-elle été suivie ? Si oui vous pouvez encore introduire un recours externe dans un délai de 10 jours. Nous vous suggérons de nous contacter à notre permanence

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.