A l’heure où nombre de communes se déclarent communes hospitalières, suivies sur cet objectif par des Universités et des Hautes Ecoles, à l’heure où la Plateforme Citoyenne s’est aussi emparée de la question des rafles des enfants sans-papiers dans les transports en commun, le pouvoir fédéral et les entités fédérées ne semblent pourtant pas avoir pris suffisamment la mesure des changements en cours.

C’est la raison pour laquelle le Collectif Education No Border, coordonné par Infor Jeunes Laeken, a organisé le mercredi 9 mai une action symbolique et non-violente de sensibilisation au droit inconditionnel à l’éducation, y compris pour les enfants sans-papiers. En effet, trop d’enfants sans-papiers se rendant à l’école, sont encore interpellés sur le réseau des transports en commun bruxellois.

D’aucuns diront : il y va de notre sécurité. Certes, mais le terme « sécurité » n’est-il pas aussi devenu un mot magique relayé à l’infini par les médias? A bien y regarder, les pratiques de contrôle des citoyens, qui tendent à se généraliser, ne s’effectuent pratiquement plus qu’en son nom.

Un secteur particulièrement propice aux interventions sous couleur de sécurité, est celui des transports publics. Rappelons-nous notamment de l’action menée conjointement par la STIB et les forces de police locales et fédérales le 19 mars de cette année sur 20 points du réseau. Cette action était censée cibler la criminalité et elle ne prétendait pas effectuer des contrôles d’identité. Elle a pourtant débouché sur l’interpellation d’une trentaine de personnes sans-papiers.

Plus récemment encore, un sans-papiers porte-parole d’un collectif a été arrêté sur le réseau bruxellois alors qu’il était muni d’un abonnement de transport en bonne et due forme. C’est grâce à la mobilisation citoyenne qu’il a été libéré. Celle-ci s’est notamment appuyée sur le statut de commune hospitalière de la localité dont relève la police qui l’avait arrêté.

Les traques et les intimidations répétées sur le réseau des transports en commun sont de plus en plus fréquentes. Si l’on s’en tient aux chiffres donnés par le Ministre des transports bruxellois, Pascal Smet, en réponse à une interpellation parlementaire sur le sujet, la proportion des opérations de contrôle effectuées avec présence de la police a augmenté de manière exponentielle. De 227 en 2015, on est passé à 1131 en 2017. Soit 5 fois plus en 2 ans !

Au lieu de rassurer, l’inflation de telles pratiques tend à instaurer un climat délétère, principalement à Bruxelles. D’autant que de nombreuses familles de sans-papiers s’inquiètent des décisions prises quant à l’ouverture de nouveaux centres fermés.

Ces multiples opérations sur le réseau, destinées à « sécuriser » le citoyen, sont au dire de nombreux voyageurs, ainsi que selon des travailleurs de la STIB eux-mêmes et de leurs syndicats, particulièrement anxiogènes et donc contre-productives au regard de l’objectif déclaré. Ces opérations de contrôle qui mobilisent de plus en plus les agents des transports et de la police à des moments précis en journée, ont pour conséquence de diminuer leur présence à des heures où la sécurité de celles et ceux qui utilisent les transports est réellement de mise : c’est-à-dire après 22 heures, où la surveillance du réseau est devenue quasiment inexistante.

Sous couvert de plus de sécurité, la chasse aux sans-papiers – et particulièrement celle qui s’exerce à l’égard des enfants – va à l’encontre de nos droits fondamentaux à tous.

Nombre de conventions internationales, mais aussi la loi belge sur l’obligation scolaire (29.6.1983) impose que tout enfant, quel que soit son statut, soit scolarisé. Il est donc parfaitement inacceptable que des enfants sans-papiers soient « raflés » dans les transports qui les mènent à l’école ! Car fondamentalement, la sécurité sur la longue durée pour notre société réside dans la bonne application du droit inconditionnel à l’éducation de tous.

Et comme 2018 fête les 70 ans de la déclaration des Droits de l’Homme, une bonne manière de les célébrer consisterait peut-être à commencer par les appliquer, non ?

Eric Bruggeman

Infor Jeunes Laeken

 

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